Canalblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Bernard au Niger

6 juillet 2008

Semaine 111 : Epilogue

Mon séjour au Niger touche à sa fin. Le 10 juillet, je passerai le témoin... à personne ! Je ne serai pas remplacé. J’aurais pu demander une prolongation de mon contrat, puisque j’ai géré mon budget en bon père de famille, et qu’il restait assez d’argent pour demeurer six mois de plus. J’ai trouvé que deux ans et demi passés au Niger, pour apporter un appui budgétaire virtuel à l’éducation, c’était suffisant. J’aurai réalisé l’exploit de ne pas dépenser un seul des 6 millions d’euros promis par la Belgique. Je ne suis pour rien dans cette situation, car j’ai fait tout ce qui était en mon pouvoir pour débloquer nos versements. Finalement, au moment de boucler mes valises, alors que rien ne le laissait présager, le ciel s’éclaircit et les partenaires de l’éducation décident enfin de reprendre les déboursements. Comme d’habitude, l’Agence Française de Développement, responsable en grande partie des blocages, a bien tenté des combats de retardement, invoquant la faible capacité d’absorption du Ministère de l’Education pour essayer de nous convaincre de réduire notre contribution. Peine perdue, la machine est maintenant lancée, et j’espère qu’enfin elle continuera à fonctionner quand je serai parti. Une satisfaction posthume, donc.

Un séjour qui se termine dans une certaine confusion. Nous avions eu à déplorer ces derniers temps des coupures intempestives de l’électricité. Ce n’était rien à côté de ce qui nous attendait après le dernier week-end. La nuit de dimanche à lundi, le courant nous a quitté pour ne revenir que deux jours et demi plus tard. Sans aucune information sur la cause de ce désastre, ni sur la durée probable de la panne, la panique s’est rapidement installée chez les habitants des quartiers touchés par ce qui s’avèrera plus tard une avarie dans un transformateur. La plupart de mes collègues ont dû jeter ce qu’ils avaient dans leur surgélateur. Pour ma part, me préparant au pire, j’avais suggéré à Daniel, chez qui je loge, de ne rien mettre dans le compartiment de surgélation de son frigo, si ce n’est des bouteilles d’eau. Après 24 heures de coupure, j’ai donc transféré ces bouteilles, encore bien gelées, dans le frigo, pour lui permettre de conserver un peu de fraîcheur. En utilisant rapidement dans les repas les produits les plus sensibles, nous n’avons pratiquement rien perdu. Heureusement, en ce début de saison des pluies, la température est bien descendue. On imagine mal ce que cela aurait donné en mai, sans climatisation et sans ventilation !

Les Hashs vont me manquer... Pour mon avant-dernier parcours, Yassine m’avait donné le choix, et j’avais jeté mon dévolu sur le Kori des Oiseaux, un kori sableux se terminant par un court parcours rocheux. J’aurai certainement l’occasion de beaucoup me balader bientôt dans la campagne vendéenne, mais sans doute ces étendues de sable et de pierre, les grands espaces me manqueront un peu... Le fleuve aussi. Suite aux bonnes pluies qui viennent de tomber sur la région, il est devenu d’un brun terreux, tandis que son niveau remontait sensiblement. Maintenant, les vaches des troupeaux conduits par les Peuls devront à nouveau nager pour le traverser.

La vie va continuer pour les amis et collègues de la Coopération Belge, un peu plus difficile maintenant que les problèmes d’électricité s’intensifient. Les groupes électrogènes s’arrachent dans les magasins. La situation politique, avec la guerre dans le Nord du pays et les atteintes de plus en plus nombreuses à la liberté de la presse, ne laissent pas présager d’un avenir radieux. Dommage pour ce pays accueillant, qui a besoin de notre aide et de toute notre attention pour sortir de la famine et de la misère.

Publicité
Publicité
29 juin 2008

Semaine 110 : La fée Electricité est devenue folle !

110_2008_06_28

Photo : 28.06.2008 - Tracé du Hash dans les gorges de Firwa

Comme dans tous les pays d’Afrique, nous connaissions des coupures de courant, mais contrairement à certains pays moins bien lotis, comme le Togo ou le Bénin, ces coupures étaient de courte durée. Nous avions aussi constaté que ces coupures affectaient les différents quartiers de manière très inégale, ceux hébergeant des Ambassades ou des villas de Ministres étant miraculeusement épargnés... Ces coupures imprévisibles ne nous affectaient pas trop, sauf quand Paula faisait cuire un pain dans son four électrique, et qu’elle se voyait obligée de terminer la cuisson au four à gaz. Outre les coupures, des surtensions étaient fréquentes, et notre frigo, de dernière génération ultra perfectionné, n’avait pas bien supporté ces chocs répétés. Ayant rendu l’âme, il avait fallu avoir recours à des réparations de fortune pour lui permettre de continuer son travail indispensable dans notre cuisine où la température dépassait parfois les 60° !

Puis, il y eut le mois de janvier de cette année de très longues coupures, parfois toute la journée. Nous avions été prévenus : il s’agissait de doubler la capacité de la ligne nous amenant l’électricité du Nigeria. Il faisait alors plus frais, et le courant revenait sans faute à la tombée de la nuit. Après, nous avait-on promis, toutes ces coupures ne seraient plus que de mauvais souvenirs... Erreur ! Bien au contraire, au fur et à mesure que nous nous enfoncions dans la période la plus chaude de l’année, les coupures devenaient plus longues et plus erratiques. Nous n’avons jamais reçu d’explication crédible sur cette évolution qui rend la vie quotidienne bien pénible. Des rumeurs l’attribuent à la mauvaise qualité de la nouvelle ligne, fournie par un parent du directeur de la société de distribution. D’autres incriminent le Nigeria, qui couperait en mesure de rétorsion suite à la décision du Niger d’établir un barrage sur le fleuve en amont de Niamey...

Quoi qu’il en soit, le 17 juin, la veille de notre déménagement, alors que nous remplissions les dernières caisses, une coupure nous a surpris à la tombée de la nuit. Nous avons dû terminer à la lueur de nos lampes frontales. Bien pratiques lors de nos bivouacs, ces lampes nous sont d’un grand secours. Nous les gardons la nuit à portée de main, car les coupures peuvent intervenir à tout moment.

Ainsi, lors de la dernière soirée de Paula au Niger, alors que nous nous préparions vers 22H à prendre ensemble un dernier repas léger, Paula devant se rendre à l’aéroport pour minuit afin d’y prendre l’avion d’Air Maroc, nouvelle panne de courant ! Nous nous trouvions alors dans la maison de Daniel, qui m’héberge pour mes dernières semaines au Niger, et nous avons terminé notre repas aux chandelles. Cela aurait été très romantique dans d’autres circonstances. Comme la coupure s’est prolongée, c’est encore à la lueur de nos lampes frontales que les valises ont été bouclées, que nous avons chargé le véhicule, et que Paula a pris une dernière douche. Rassurez-vous, elle avait déposé sa lampe sur un évier !

Deux jours plus tard, alors qu’il faisait particulièrement chaud à la veille des premières grandes pluies, une nouvelle panne a coupé peu avant minuit toute possibilité de climatiser ma chambre. Je n’ai eu d’autre possibilité que de m’immerger dans la piscine, puis de retourner au lit sans m’essuyer pour bénéficier encore quelque temps des bienfaits rafraîchissants d’une eau pourtant à 34°...

15 juin 2008

Semaine 109 : Les jardins de Faoude Banda

109_2008_06_06_09_00_08

Photo : 06.06.2008 - Puits à Faoude Banda

Quand je suis allé la première fois à Faoude Banda, c’était pour visiter l’école. Nous avions parlé longuement avec le chef du village, qui possède la seule maison en « dur », en banco. Du moins si on peut appeler village les campements peuls éparpillés sur le plateau et les champs sablonneux qui dominent le Niger au sud du Kori du Diable. Nous avions constaté avec plaisir que l’instituteur, qui a créé l’école en octobre dernier, occupait un logement traditionnel en paillote et en bon état à proximité de la maison du chef de village, signe de l’intérêt porté à sa fonction.

La récolte de mil de l’an dernier avait été mauvaise. Le chef de village nous avait dit qu’heureusement, ils avaient pu subsister grâce aux jardins situés au bord du fleuve. J’avais alors promis de revenir bientôt, si possible avec Damien, qui vient de prendre ses fonctions comme responsable d’un projet d’irrigation de zones maraîchères.

La piste pour aller à Faoude Banda est à peine une trace laissée par les charrettes tractées par des ânes ou des boeufs se rendant le dimanche au marché de Guissel, sur la route de Say. Lors de ma première visite, j’avais pris la précaution de prélever l’itinéraire sur mon GPS, ce qui nous a permis de retrouver sans problème Faoude Banda. Le chef du village étant absent, le président du Comité des Parents d’élèves s’est offert à nous conduire dans les jardins au pied de la falaise.

Nous avons d’abord jeté un coup d’oeil au puits alimentant le village, profond d’une vingtaine de mètres. Une jeune fille occupée à y puiser l’eau, sans doute troublée par la présence des Nazaras, a laissé tomber sa corde dans le puits. Pas désespérée pour un sou, elle a ramassé une branche d’acacia et s’est empressée d’aller récupérer son bien au fond du puits à l’aide d’une autre corde... Comme beaucoup d’autres, ce puits est pollué, les cordes pour puiser l’eau traînant dans les déjections des animaux. Damien prodigue ses conseils : ajouter à l’eau de boisson et de cuisine 3 gouttes d’eau de Javel par litre. La purification est garantie !

Nous descendons vers les jardins, ou du moins ce qu’il en reste en cette fin de saison sèche. Le fleuve, réduit à un filet d’eau, coule maintenant à 500 m des jardins. Sans matériel de pompage, plus question par cette chaleur de cultiver quoi que ce soit. Nous pouvons cependant imaginer les jardins verdoyants en janvier, quand le fleuve était tout proche...

Un peu plus loin, avec l’aide d’une pompe, des jardins sont exploités dans le lit même du fleuve. Les potirons sont superbes. Grâce à Ama qui nous sert de traducteur, les jardiniers nous exposent leurs problèmes. Peut-être Damien pourra-t-il leur venir bientôt en soutien grâce à son projet ?

Il est 10H, et le soleil tape déjà fort ! On nous apporte un panier de mangues cueillies dans les arbres proches du fleuve, pour nous remercier de notre visite. Nous apprécions la volonté d’adaptation de ces Peuls, éleveurs traditionnels, qui tout en conservant leurs troupeaux, sèment et récoltent le mil, cultivent des jardins, et même à l’occasion pêchent, comme nous le démontre le filet pour la pêche à l’épervier qu’un jeune homme nous présente avec fierté. J’ai vraiment le sentiment de voir depuis mon arrivée au Niger un accroissement significatif des zones transformées en jardin le long du fleuve. Enfin quelque chose qui progresse !

8 juin 2008

Semaine 108 : Hash, hash, hash

108_2008_05_24_18_42_20

Photo : 24.05.2008 - Traversée du fleuve Niger

Avant de partir en vacances pour trois semaines en France, Yassine m’avait confié l’organisation des prochains Hashs... Plus tôt déjà, les falaises de Firwa avaient suscité l’enthousiasme des participants, au point que deux semaines plus tard, j’avais été sollicité pour organiser une « session de rattrapage » un dimanche soir pour plusieurs d’entre eux qui l’avaient manqué. Eux aussi étaient rentrés comblés à Niamey.

J’ai donc tenté d’innover pour les trois hashs dont j’avais à organiser le tracé. Le premier s’est déroulé juste en face des fameuses falaises de Firwa et de la villa de l’ex-Premier Ministre, de l’autre côté du Niger. J’avais repéré un endroit sur le fleuve où le niveau d’eau est au plus bas à cette époque, comme chaque année. J’y avais vu des troupeaux, des charrettes et des nomades le traverser à gué. J’ai fait seul une première reconnaissance, je suis ensuite revenu avec Claude et Martine. Nous avons testé les possibilités de traversée à deux endroits, à 500 mètres l’une de l’autre. L’eau nous arrivait à mi-cuisse, ce qui ne devait pas poser de problème aux participants du Hash, surtout que le niveau d’eau continue régulièrement de baisser. En plus, les traversées, optionnelles, ont été placées en fin de parcours, juste en face du parking des voitures, pour permettre de se changer en arrivant. Le succès a été total. Les photos prises permettront de garder des souvenirs de cette équipée, une première pour beaucoup, un rêve réalisé pour certains...

Pour le parcours suivant, j’ai demandé de pouvoir escalader les fameuses trois collines qui dominent Niamey, de l’autre côté du fleuve. En fait, le Hash s’est contenté de la première colline et de la troisième, la deuxième étant particulièrement pénible à cause de ses cailloux boulants, aussi bien à la montée qu’à la descente, donc trop dangereuse, surtout pour les coureurs. Par contre, le parcours était prolongé pour escalader le « sphinx », un rocher à la pointe du plateau, d’où la vue sur la ville et les trois collines est imprenable. Un parcours très sportif, une sorte de grande étape de montagne.

Pour ce dernier samedi, j’avais été repérer dimanche dernier un nouveau parcours, très proche aussi de Niamey. Le point de départ est connu de tous, mais au lieu de zigzaguer dans les rizières comme on le fait habituellement, nous nous sommes dirigés d’abord directement vers le fleuve au travers d’un grand kori, pour remonter ensuite vers le plateau en passant par des dunes sablonneuses, et en terminant dans des koris encaissés. Ici également, la présence de Martine a été fort utile pour identifier les meilleurs passages. Martine a les cailloux boulants en horreur. Je l’avais d’abord entraînée dans une descente très raide, qu’elle négociait à quatre pattes... Nous avons fait demi-tour, et sommes remontés sur le plateau, où nous avons trouvé sans peine une descente alternative qu’empruntent les troupeaux. Un vrai boulevard, d’après Martine, qui devrait combler ceux que rebutent les descentes acrobatiques.

Comme je ne dispose pas de carte du Niger sur mon GPS, je dois ruser par la suite avec les cartes Google sur mon ordinateur pour rectifier les itinéraires et les adapter au terrain, tout en gardant la distance idéale. J’avais préparé trois parcours pour ce Hash, avec pour les marcheurs sportifs une possibilité de monter sur le plateau. La météo en a décidé autrement... Quand nous avons effectué samedi matin le tracé du Hash, un violent vent de sable balayait la région, à un tel point que Francis, toujours prêt à réclamer des parcours plus longs, a demandé de raccourcir celui des coureurs en le faisant passer par celui des marcheurs sportifs. En cette fin de saison sèche, la chaleur est devenue infernale, et il vaut mieux modérer ses ardeurs...

1 juin 2008

Semaine 107 : Carré Roumbouki

107_2008_05_27_10_09_19

Photo : 27.05.2008 - Enfant avec chameau

Pour atteindre dès le mardi matin ce village perdu sur le plateau surplombant le Dallol à 40 Km de Dogon Douchi, nous étions partis la veille de Niamey en début d’après-midi. 300 Km de bonne route, avec seulement quelques passages plus difficiles en fin de parcours, la route étant en cours de remise en état. Nous avons logé à la case de l’Amitié, où nous sommes chaque fois accueillis chaleureusement. Cette fois-ci, c’est Antoine, un stagiaire français, qui l’occupe. Suzanne, qui dirige les opérations d’évaluation des cours d’alphabétisation organisés dans cinq villages, nous rejoint le soir. Elle est satisfaite. Les résultats qu’elle a enregistrés ce lundi dans un village proche de Dogon Douchi sont encourageants.

Nous nous réunissons à 8H au siège de l’ONG qui a été chargée d’organiser l’alphabétisation, mais ce n’est qu’une heure plus tard que les membres de l’équipe d’évaluation sont enfin réunis pour un briefing, où le bilan de la veille est analysé, et où des consignes sont discutées pour les activités d’évaluation de la journée. Ce n’est donc qu’à 9H30 que nous prenons la piste en latérite vers le nord, en mauvais état pendant 27 Km jusque Bagaji. Là, nous empruntons une petite piste pendant 13 Km. Avant de grimper sur le plateau, un passage spectaculaire nous attend. Les eaux de l’an dernier ont rongé le dessous de la piste, ne laissant de celle-ci qu’un mince filet de terre. Pas question de le franchir avec notre véhicule. Un passage, renforcé avec des troncs d’arbre, a été aménagé sur le côté, mais je prends quand même la précaution d’aller le vérifier de visu avant d’engager la voiture...

Arrivés au village de Carré Roumbouki, nous constatons que les 25 femmes qui ont suivi l’alphabétisation ne sont pas au rendez-vous. Elles avaient été prévenues de notre venue, mais comme notre arrivée était prévue à 8H, et qu’il est déjà 10H30, elles sont retournées vaquer à leurs obligations. Pendant que l’alphabétiseuse bat le rappel de ses élèves, je vais jeter un coup d’oeil à l’unique puits du village, profond de 70 m. Un bambin guide un dromadaire qui traîne la corde remontant un sac en peau qu’un homme déverse ensuite dans des seaux. Je ne boirai pas de cette eau, certainement polluée... L’école n’est pas loin, avec ses deux enseignants et ses 105 élèves. Ils font tout leur possible dans des conditions difficiles. Les enfants scolarisés ne représentent qu’une infime proportion de ceux qui pourraient l’être.

Les évaluations débutent : écriture, lecture, calcul, mais aussi des questions sur des formations que les femmes ont reçues en vue de les aider à améliorer leurs revenus : l’embouche (engraissage d’animaux) et l’extraction d’huile d’arachide. Comme nous nous y attendions, les résultats théoriques ne sont pas bons. Normal, c’est la toute première campagne d’alphabétisation dans ce village. Par contre, les formations pratiques sont bien maîtrisées par les femmes. C’est encourageant, et cela démontre qu’il faut accompagner les apprentissages de cours pratiques, en rencontrant les intérêts immédiats des apprenantes.

Il fait atrocement chaud. Un vent chargé de sable souffle violemment, ce qui ne semble pas gêner les villageois. Nous ingurgitons des quantités phénoménales d’eau. C’est la période la plus pénible de l’année, fin mai, quand la chaleur devient humide.

A 14H30, il est déjà temps de partir pour nous qui rentrons à Niamey, si nous voulons y arriver avant la nuit. Les évaluateurs, qui retournent à Dogon Douchi, vont encore présenter les résultats et récompenser les meilleurs apprenantes. Nous prenons avant de partir un rapide repas, des « macas » (pâtes) avec de la viande et de la sauce, et bonne route !

Publicité
Publicité
25 mai 2008

Semaine 106 : De Foumbia à Beyka

106_2008_05_15_12_46_50

Photo : 15.05.2008 – L’école de Beyka

Nous avions visité des petites écoles perdues au bord du fleuve, à Firwa, avec ses paillotes traversées par la brise, et à Faoude Banda, où nous avions pu prévenir l’instituteur de notre arrivée par téléphone portable (il en possède même deux !). A chaque fois, le même dénuement. En tout et pour tout matériel pédagogique, un tableau noir délavé, une chaise pour le maître, des sacs en plastiques pour (presque) tous les élèves, assis à même le sol, des ardoises et des bouts de craies chichement distribués. Pourtant, on sentait dans ces deux écoles une volonté de tous, enfants, parents, enseignants, de promouvoir une scolarisation réussie. Sans doute pas selon les normes de chez nous, ni même en rencontrant les programmes délirants proposés ici, mais en apprenant aux enfants les bases de la lecture, de l’écriture et du calcul dans la langue officielle qui est le français au Niger.

J’ai contacté le Conseiller Pédagogique du secteur de Kahé, à une vingtaine de kilomètres de Niamey sur la route de Say. Je lui ai demandé de nous conduire dans d’autres écoles rurales, loin du goudron et du fleuve, pour me rendre compte des problèmes rencontrés par ces populations souvent oubliées. Toute cette région est peuplée de Peuls, récemment sédentarisés, gardant encore traditionnellement un cheptel important. Pour nous accompagner, le directeur de l’école primaire de Kahé, qui est aussi l’organisateur de réunions pédagogiques d’enseignants, et le responsable des ressources humaines pour le secteur. Ce dernier parle foulfouldé, la langue des Peuls, ce qui nous permet de communiquer avec les populations rencontrées, même les femmes qui ne parlent pas d’autre langue.

La première école, Foumbia, se trouve à 9 Km de la route goudronnée, accessible par une piste assez facile. Trois classes en paillote nous attendent, avec seulement un enseignant présent, les autres étant partis justement aujourd’hui toucher leur pécule mensuel à Kollo, dont dépend le secteur, de l’autre côté du fleuve... Ce maître enseigne dans un CM2, dernière classe du primaire. Il a créé l’école voici six ans. Ses élèves l’ont donc suivi de classe en classe pendant toute leur scolarité. Jusqu’il y a quatre mois, les enfants n’avaient pas vu un banc ! Le secteur leur en a prêté, afin qu’ils apprennent à écrire sur une surface horizontale lors de l’examen d’entrée au collège qui les attend dans un mois. Malgré toute leur bonne volonté, et le dévouement du maître, je crains que beaucoup ne réussissent pas. L’an prochain, le même maître s’occupera des doubleurs pour leur donner une nouvelle chance.

La deuxième école, Beyka, n’est qu’à 7 Km à vol d’oiseau de Foumbia, mais il n’y a pas de piste pour y aller directement. Nous devons retourner jusqu’à la route, puis emprunter une autre piste de 11 Km pour y arriver. Nous y trouvons une seule classe, toute petite, avec des trous dans les murs, un bout de tableau à moitié mangé par les termites, le sol en terre battue. L’instituteur est absent. Il est parti lui aussi toucher sa solde. Les quelques élèves qui viennent nous rejoindre, qui sont en fin de deuxième année, savent à peine écrire les dix premiers nombres... On lit le découragement sur les visages des enfants, un manque de motivation également chez les femmes, leurs mamans, qui sont venues s’installer progressivement dans la classe. La récolte l’an dernier a été mauvaise. La nourriture commence à manquer, ce qui explique sans doute en partie le peu d’engouement pour l’école. Pour tout le village, il n’y a qu’un puits, d’une vingtaine de mètres de profondeur, mal protégé des animaux, donc certainement pollué. Des conditions d’existence difficiles, qui expliquent peut-être pourquoi cette école fonctionne mal...

18 mai 2008

Semaine 105 : Des shreddies dans la falaise

105_2008_05_10_18_03_03

Photo : 10.05.2008 - Les falaises de Firwa

Pour organiser un nouveau tracé de Hash, original et spectaculaire, une bonne préparation est indispensable. Une première approche lors d’une balade avec Martine sur la rive gauche du fleuve avait permis de déceler la piste descendant vers Firwa, où nous étions retournés plus tard visiter la petite école sur la dune. Il était tentant, surtout après avoir interrogé la carte satellite sur Google, d’explorer les falaises qui s’étendent depuis Firwa jusqu’à Youri, le village où l’ex-premier ministre Hama Amadou a planté sa superbe villa. Il fallait identifier avec précision les particularités du parcours pour atteindre le sommet de la falaise au départ de Niamey, et pour cela plusieurs repérages avec GPS ont été nécessaires.

Le 1er mai, je suis revenu avec Paula et Martine à la recherche d’un endroit pour bivouaquer le plus près possible du sommet de la falaise. Le plateau est recouvert de pierres ferreuses, mais en adoptant une approche prudente, nous sommes parvenus avec la voiture sur un des sommets donnant à pic sur le Niger. Le sol inégal ne permettait pas d’y placer notre campement et nous sommes donc descendus un peu plus bas, près d’un sentier menant au pied de la falaise, où nous avons trouvé un terrain sableux propice à l’installation de notre moustiquaire et de la tente de Martine.

Avant de monter le camp, nous avons fait une première reconnaissance, descendant la falaise par un sentier escarpé très spectaculaire, étudiant un parcours accessible aux participants du futur Hash. Comme d’habitude, à peine avions-nous planté notre logement qu’une bande d’enfants s’approchait, de jeunes Peuls, surtout des filles, habitant un hameau sur le plateau. J’ai tracé une ligne sur le sol à une vingtaine de mètres de notre installation, en leur demandant de ne pas la franchir, ce qui n’a pas toujours été très respecté. Ces enfants ne sont pas scolarisés. Ils ne parlent donc pas le français. La communication est difficile...

Nous avons arraché quelques poignées de bois sec aux rares buissons parsemant le plateau, et nous avons passé la soirée devant une flambée, avant de dormir sous les étoiles. Dès le lever du jour, quand il fait encore relativement frais en cette saison, nouvelle promenade dans la falaise pour en admirer les contours et repérer les plus beaux endroits à présenter aux futurs marcheurs, avant de rentrer à Niamey.

Le dimanche suivant, je suis revenu seul pour finaliser le parcours, en explorant une montée assez acrobatique, à réserver aux coureurs et à ceux qui ne souffrent pas de vertige. Il ne restait plus à Yassine qu’à envoyer le courrier suivant aux amateurs de Hash :

ATTENTION ! Le trajet pour se rendre au départ est assez long. Prévoyez au moins 40 minutes de route depuis le pont Kennedy! Le trajet est accessible à tout véhicule en bon état ! Paysages magnifiques assurés, falaises vertigineuses surplombant le Niger. Parcours sportif à vous couper le souffle (surtout pour les coureurs)! Signé : Bernard.

En suivant les shreddies que nous avions déposés le samedi matin, les participants ont été enchantés par ce parcours original qui leur a fait découvrir une nouvelle facette des environs de Niamey. Prochainement, j’envisage de leur faire traverser le fleuve à gué... Encore faudra-t-il trouver le moyen d’y déposer les shreddies !

4 mai 2008

Semaine 103 : Lions au Parc du W

103_2008_04_24_17_33_47

Photo : 24.04.2008 - Les silures dans la vase

103_2008_04_24_19_07_21

Photo : 24.04.2008 - Les lions

Depuis deux ans que nous sommes au Niger, nous n’étions pas encore allés au parc du W... Nous l’avions longé deux fois en pirogue, apercevant quelques animaux sur la berge. Le moment était venu d’une visite plus approfondie. Nous avons choisi la meilleure période de l’année, vers la fin de la saison sèche, quand la plupart des mares sont asséchées et que les animaux sont obligés de se regrouper autour des rares points d’eau subsistants, certains alimentés artificiellement par des forages. Le désavantage de cette période, c’est qu’il fait chaud, atrocement chaud, mais nous avons vu suffisamment d’amis revenant bredouilles ou presque de leur visite que nous étions prêts à affronter l’enfer s’il le fallait. Nous n’avons pas été déçus. Martine, qui nous accompagnait, a vu plus d’animaux en une fois que pendant la demi-douzaine de visites antérieures qu’elle avait faites !

Dès l’arrivée dans le parc, nous prenons contact avec Abdou, un jeune guide que Martine avait repéré lors d’une visite précédente. Dynamique et compétent, il dirige les opérations avec beaucoup de maîtrise, faisant avancer ou reculer le véhicule pour avoir une meilleure vue ou pour ne pas déranger les animaux rencontrés. Comme la végétation est elle aussi très sèche, le sous-bois est assez dégagé, mais les animaux ne restent pas en place. C’est au hasard d’un détour qu’on les observe.

Nos voeux sont exaucés très rapidement. La rivière Tapoa, avant de s’engager dans des gorges qui la conduisent au Niger, présente une série de grandes mares près desquelles des points de vue sont aménagés. Le premier, où nous prenons notre pique-nique, nous permet déjà de voir deux éléphants, occupés à s’asperger d’eau pour réhydrater leur peau. Un peu plus loin, des hippotragues, sortes d’antilopes géantes, appelées aussi antilopes cheval. Dans un buisson près de la mare gît un hippotrague de belle taille, égorgé la veille par un lion qui ne doit pas maintenant se trouver bien loin... Un peu partout, mais à bonne distance, des cobs de Buffon, des guibs harnaché, des phacochères, des babouins... Pas de buffle dans les parages, ce sera pour un autre jour.

Nous pénétrons plus profondément dans le parc, et nous nous arrêtons près d’une mare presque asséchée. Notre attention est attirée par un mouvement tourbillonnant au milieu de la pellicule de vase. En nous approchant, nous observons des dizaines d’énormes silures qui tournent en rond, sans doute pour oxygéner le peu d’eau restant.

Nous atteignons le campement de Nigercar, au bord du fleuve, but de la journée. Nous y installons nos tentes. Abdou nous presse d’effectuer encore un petit tour avant l’obscurité. Martine est réticente. Elle a déjà effectué plusieurs fois ce trajet sans rien rencontrer. Nous partons quand même, suivant une piste sinueuse, entre des rochers et le fleuve. Rien... Abdou nous fait quitter la piste. Il fait de plus en plus sombre. Brusquement, au pied d’un rocher, dans les broussailles, un couple de jeunes lions se dresse. Les deux animaux se trouvent à moins de 40 mètres de nous. Ils se mettent lentement en mouvement, le lion agacé sans doute parce que nous l’avons interrompu dans ses approches amoureuses, la lionne semblant se dérober à ses avances. Vite une photo, même de piètre qualité étant donné l’obscurité, pour témoigner de cette rencontre tant espérée...

27 avril 2008

Semaine 102 : Les écoliers de Firwa

102_2008_04_22_09_03_50

Photo : 22.04.2008 - Enfants du CP de Firwa

Arrivé au sommet de la falaise, je reconnais le paysage que j’avais déjà découvert de l’autre rive du Niger, quand j’avais assisté à la pêche aux silures. La piste descend en pente raide, plaie béante dans la falaise, suivie par un passage dans des roches tendres d’un blanc laiteux. En bas, la petite mosquée de Firwa, à côté d’une grande maison en dur, celle de l’oncle de l’ancien Premier Ministre évincé l’an dernier. Sa mère était de Youri, le village voisin, où il a construit sa plantureuse villa...

En face, sur l’autre rive du kori, au sommet d’une dune surplombant des rochers, se dresse la petite école, composée de deux classes en paillote. J’y suis déjà venu dimanche, deux jours plus tôt. Je reviens maintenant pendant les heures de classe pour y rencontrer les enseignants et les élèves. En cette fin d’année scolaire, les classes sont dans un triste état, avec des ouvertures béantes dans les parois. Dans chaque classe, en l’absence de bancs, une bonne vingtaine d’enfants sont assis par terre, à même le sable, certains sur des sacs en plastiques. Le directeur est en train de préparer une dictée. Les enfants écrivent sur une ardoise avec de la craie. Ils me reconnaissent, et ils lancent à tue-tête : « Bienvenue ! » Ils sont au CE1, en troisième année primaire donc, et se débrouillent pas mal en français comme j’ai pu le constater déjà dimanche.

Le directeur nous explique que l’autre classe, un CP (deuxième année), est tenu par son épouse. L’institutrice porte fièrement dans les bras son bébé de trois mois, tout en donnant cours. Pendant son congé de maternité, elle n’a évidemment pas été remplacée, et les enfants ont donc pris du retard... Le couple est logé dans une case du village tout proche, une case ronde en paille, comme les autres habitants, qui sont ici des Peuls. Les enseignants ne connaissent pas la langue des enfants, mais comme les gosses se débrouillent aussi en djerma, ils n’ont pas trop de problèmes de communication.

A vol d’oiseau, Niamey n’est qu’à 15 Km. Pour y retourner le week-end, le couple d’enseignants doit traverser le fleuve en pirogue, marcher 3 Km et prendre un bus sur la route de Kollo. De même, chaque mois, ils doivent se rendre à Kollo, dont dépend leur école, pour y recevoir leur maigre pécule. En tout pour eux deux à peine 150 euros. Souvent, ils doivent patienter toute une journée avant de recevoir leur dû, tant sont nombreux les enseignants contractuels qui reçoivent le même jour leur paye...

Le chef du village vient d’arriver dans la classe. C’est lui qui de ses propres deniers a fait construire les deux classes paillote, 5000 FCFA, 8 euros, une petite fortune dans ce village du bout du monde. Il nous montre les souches des palmiers doums qui ont été sacrifiés pour servir d’étançons au toit de l’école. C’était dur, dit-il, car ce bois-là est très pénible à couper, mais c’est du solide... Pour le moment, les enfants ne se plaignent certainement pas des grands trous dans les murs de l’école, qui laissent passer une brise rafraîchissante. Il n’est pas encore 10H, et la température est déjà suffocante ! Par contre, en janvier, les pauvres élèves claquaient des dents de froid dans leurs guenilles.

Avant de prendre congé, je promets de rendre prochainement visite à l’inspecteur de Kollo, pour le sensibiliser à fournir des bancs pour les élèves de cette petite école, et pourquoi pas, d’envisager la construction d’une classe en dur, qui en assurerait la pérennité. D’autre part, je rencontre des parents, et j’insiste pour qu’ils prennent bien en charge leur école, sans attendre tout de l’Etat.

20 avril 2008

Semaine 101 : Les vélos de Ouaga

101_2008_04_09_15_11_02

Photo : 09.04.2008 - Transport public au Burkina Faso

« Les vélos d’Amsterdam, font des beaux culs aux dames... », selon le refrain de la chanson bien connue de Vincent Baguian, qui précise : « Pas celles qui s’baladent en auto, mais celles qui s’déchaînent et pédalent... » Réflexion d’Ama, mon chauffeur, en arrivant à Ouaga : « Ici, c’est pas comme à Niamey, où on ne voit que des hommes en vélo ! » Effectivement, un nombre incalculable de bicyclettes conduites par des femmes de tous âges sillonnent les rues de Ouaga, en plus bien sûr des cyclomoteurs, des motos et des voitures. Une circulation très animée, moins dingue qu’à Cotonou quand même ! Comme les standards de beauté féminine sont ici très loin des nymphettes anorexiques occidentales, on peut imaginer les rondeurs plantureuses qui se balancent sur les selles des vélos de Ouaga !

La route est excellente entre Niamey et Ouaga. Une moyenne de 90 Km à l’heure est tout à fait raisonnable. Grâce à mon nouveau jouet, un GPS, je peux accompagner notre voyage au plus près. Ce n’est pas un GPS routier, comme on en trouve sur les voitures en Europe, mais un GPS pour la marche et le vélo. Il peut aussi servir accessoirement en voiture. Il n’est pas aussi convivial que ceux qui sont fait pour ça : il ne parle pas, lui !

Curieusement, le tracé de la route sur la carte du monde livrée avec le GPS semble suivre l’ancienne piste, datant de la colonisation, au moins dans son tracé au Niger ! Ils pourraient quand même s’actualiser... Nous nous arrêtons à mi-chemin, à Fada N’Gourma, à l’aller comme au retour, dans une petite auberge, La Belle Etoile, pour y pique-niquer. Pas question de prendre un repas au restaurant en cours de route. Quand tout va bien, il faut compter au moins deux heures avant d’être servi. Alors, du pain avec du fromage au menu des voyageurs, avec une bière locale pour faire passer le tout ! Les bières africaines sont légères et rafraîchissantes.

A Ouaga, nous logeons au Karité Bleu, des chambres d’hôtes plutôt qu’un hôtel, avec des pavillons décorés de sculptures locales dans un jardin fleuri, un peu en dehors de la ville. Tous les produits d’artisanat y sont à vendre... Le quartier est paisible, sauf quand un gros porteur nous survole de près : nous sommes juste en avant de la piste d’atterrissage de l’aéroport de Ouagadougou... Ama a trouvé un logement près du Karité Bleu, dans une sorte de pédagogie qui accueille des boursiers étudiant à l’Université toute proche. Il peut aussi y prendre ses repas à des prix défiant toute concurrence, faisant ainsi des économies sur son per diem.

Dans les bureaux de la Coopération Belge où nous organisons une formation à la gestion du contenu du site Internet de la CTB, l’ambiance est plutôt morose. Comme le pays n’est plus « partenaire » de la Belgique, il n’y a pas de nouveaux projets, et ceux en cours n’ont pas été prolongés. Nous ne comprenons pas très bien les raisons qui ont poussé les politiciens belges à délaisser le Burkina Faso, un pays où les projets marchaient bien. Comme au Niger, un Fonds Commun pour l’éducation y avait été mis en place. Il avait fait l’objet ici aussi d’un audit calamiteux. La réaction des autorités avait été immédiate : changement des ministres incriminés, remboursement des sommes détournées, et climat de confiance rétabli, ce qui avait permis une reprise rapide des déboursements. Quel contraste avec ce qui se passe au Niger, où le Gouvernement comme les Partenaires sont restés sur leurs positions négatives. Deux ans après l’audit, on ne voit toujours pas la fin du tunnel !

Publicité
Publicité
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 > >>
Newsletter
Publicité
Bernard au Niger
Publicité