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Bernard au Niger
17 juin 2007

Semaine 66 : Démocratie à la nigérienne

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Photo : 18.02.2007 - Le ministre de l'Education Nationale à Sargane

Cela fait un an que la fameuse « Affaire MEBA » empoisonne la vie politique du Niger. Tout a commencé en juin 2006, lorsque l’audit du Fonds Commun pour l’éducation primaire, auquel la Belgique participe à hauteur de 2 millions d’euros par an, a conclu sur une série de manquements et de malversations. Une enquête judiciaire a été ouverte, et deux anciens ministres de l’éducation ont été « jetés » en prison, où ils « croupissent » depuis maintenant 8 mois, comme le relève régulièrement la presse et la radio. Mais les deux ministres en question ne veulent pas porter seuls le chapeau des détournements pour lesquels ils sont poursuivis, et ils mettent en cause plusieurs collègues, de gros commerçants siégeant à l’Assemblée Nationale, et surtout le Premier Ministre !

La situation s’est brusquement dégradée fin mai, lorsque la chambre d’accusation a remis ses conclusions, dans lesquelles un non-lieu était requis pour la plupart des chefs d’inculpation, à l’exception du non respect par les anciens ministres du code des marchés publics. Les médias se sont déchaînés contre le Premier Ministre, accusé de manipulation, et l’opposition parlementaire a déposé une motion de censure contre le gouvernement. Les débats se déroulant à l’Assemblée Nationale ont été houleux. Retransmis à la radio et à la télévision nationale, ils étaient suivis avec passion par la population, même dans les villages les plus reculés. Personne dans les rues, ou alors avec un poste scotché à l’oreille...

Le Premier Ministre a bien tenté de faire interrompre la diffusion, mais c’était trop tard, et sa manoeuvre a été dénoncée. Des députés amis à lui ont voulu faire reporter le vote sur la motion de censure, en arguant que c’était interférer avec le pouvoir judiciaire. Rien n’y fit, et le gouvernement tomba, une rareté dans la vie politique africaine...

Curieusement, il revenait alors à la majorité parlementaire, dont une bonne partie avait laissé tomber le Premier Ministre, de proposer trois candidats pour ce poste au Président de la République. Le candidat qu’il a choisi est loin de faire l’unanimité, car il est très proche de l’ancien Premier Ministre, et il est lui-même personnellement impliqué dans l’affaire MEBA ! Finalement, le nouveau Premier Ministre a réuni autour de lui une équipe tout aussi pléthorique que la précédente, 32 ministres, où la moitié gardent le même portefeuille qu’avant, notamment notre Ministre de l’Education Nationale (on a changé le nom du ministère récemment, car le « MEBA » rappelait à certains de trop mauvais souvenirs...), mais aussi le Ministre des Finances, très proche du Président de la République, qui est la bête noire des bailleurs de fonds, multipliant les obstacles à la reprise de notre participation au Fonds Commun.

Toutes ces péripéties ont donné lieu à des déclarations enthousiastes, notamment dans les pays voisins, louangeant la maturité de la démocratie au Niger. Nous, les coopérants, nous avons surtout craint un coup d’état militaire, dont le pays a été coutumier dans le passé lorsqu’il y avait des tensions politiques. Heureusement, il n’en a rien été, l’armée étant trop occupée à tenter de mater une rébellion des Touaregs dans les montagnes de l’Aïr, au nord d’Agadez...

Aux dernières nouvelles, les deux ministres incriminés viennent de sortir de prison, et ils sont en liberté provisoire... Affaire à suivre !

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Bernard au Niger
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